Extrait de la revue Militia Christi N°118
Essayer d'en donner une définition, c'est déjà prendre position. Les charismes ont été un des sujets de discussion au concile Vatican II. Nous nous référerons donc au résultat des débats, repris au paragraphe 12 de la Constitution dogmatique sur l'Eglise (Lumen gentium).
" L'esprit Saint ne se borne pas à sanctifier le peuple de Dieu par les sacrements et les ministères, à le conduite et à lui donner l'ornement des vertus, il distribue aussi parmi les fidèles DE TOUS ORDRES répartissant ses dons à SON GRE en CHACUN (1Corinthien 12,11), les grâces spéciales qui les rendent aptes et disponibles pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au DEVELOPPEMENT de l'Eglise, suivant ce qu'il est dit : C'est toujours pour le bien commun que le don de l'Esprit se manifeste dans un homme (1 Corinthien 12,7) . Ces grâces, des plus éclatantes aux plus simples et largement diffusées, doivent être reçues avec action de grâce et apporter consolation, étant avant tout AJUSTEES aux nécessités de l'Eglise et destinées à y répondre. Mais les dons extraordinaires ne doivent pas être recherchés de façon TEMERAIRE ; ce n'est pas de ce côté qu'il faut espérer présomptueusement le fruit des oeuvres apostoliques ; c'est à ceux qui ont la charge de l'Eglise de porter un jugement sur l'authenticité de ces dons et de leur USAGE. Bien entendu, c'est à eux qu'il convient spécialement, NON PAS d'ETEINDRE l'Esprit mais de tout EPROUVER pour retenir ce qui est bon (1 Th 5,19-21) "
Ce texte nous donne plus qu'une définition et permet de mieux cerner les charismes :
L'article 2003 du catéchisme de l'Eglise catholique reprend ceci de façon plus concise et qualifie les charismes de grâce spéciale venant en sus, en complément aux grâces sacramentelles. Ces grâces nous rendent capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ, l'Eglise. A remarquer que la notion de charisme est très peu détaillée dans le catéchisme.
Saint Thomas définit les charismes comme Gratia Gratis
Data, c'est à dire grâce gratuite qui, dans la conception
de saint Thomas, a comme connotation d'être moins " noble "
que les autres, car elle peut ne pas comporter l'amitié
avec Dieu (1 Corinthien 12-13)
En conclusion de cette partie, il est donc permis de dire qu'il ne peut y avoir de doute sur l'existence des charismes et d'ambiguïté dans leur rôle vis à vis des sacrements. Par contre il reste un point à éclaircir : il ne faut pas confondre charismes et dons du Saint-Esprit, ceux-ci étant des dispositions permanentes créées dans l'homme par Dieu pour le rendre " docile " aux impulsions de l'Esprit et lui permettre le plein exercice des vertus.
La théologie commune place les dons entre les vertus théologales
et les cardinales ou morales. Ceci permet de déduire que
si les dons du Saint-Esprit sont intimement liès à
la présence du Saint-Esprit en nous, les charismes quant
à eux sont facultatifset, répétons-le encore,
des dons spécifiques pour des services à la communauté
chrétienne, corps mystique du Christ. Dans cette conception,
les charismes sont des éléments importants qui " déterminent "
la fonction que chaque membre doit exercer. Ainsi un chrétien
peut ne jamais avoir eu de charisme sans être pour autant
un moins bon chrétien.
Saint Paul qui pour les membres de la Militia Christi représente l'archétype du chevalier nous aide à établir une liste de charismes.
En 1 Co 12,27-28, il dit ceci : " Or, vous êtes le corps du Christ, et membres chacun pour sa part. Il en est que Dieu a établis dans l'Eglise, premièrement comme apôtres, deuxièmement comme prophètes, troisièmement comme docteurs ....... Puis ce sont les miracles, puis le don de guérir, d'assister, de gouverner, les diversités de langues.
Saint Paul classe donc les fonctions de ministères parmi les charismes : apôtre, prophètes, docteurs et Ephésien 4.11 étend la notion de ministère aux évangélistes et pasteurs. Le mot ministère est une traduction du mot grec diakonna également rendu par service. Aussi l'association étroite entre charisme et ministère est il mieux exprimé dans 1 Pierre 4,10-11 :
"Chacun selon la grâce reçue (charisma), mettez-vous au service les uns des autres, comme de bons intendants d'une multiple grâce de Dieu. Si quelqu'un parle, que ce soit comme les paroles de Dieu, si quelqu'un assure le service, que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu, afin qu'en tout Dieu soit glorifié par Jésus-Christ ..."
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Il est difficile par le seul biais de ces textes, d'établir une liste exhaustive de charismes, mais la liste que l'on peut néanmoins en extraire a au moins le mérite de mettre en evidence ce qui était courant pour certaines communautés aux premiers temps de l'Eglise. Nous remarquons que les charismes de compassion, de réconsiliation, d'évangélisation et de gouvernement ne sont pas aussi explicites que les autres.
Le parler en langue : en 1 Corinthien 14, saint Paul précise que le parler en langue sert à parler à Dieu et non aux hommes, sauf si quelqu'un en donne la signification intelligible. Ce qui ne semble pas être le cas général. Le parler en langue est surtout un signe pour les incrédules. Pour l'avoir entendu (contexte réunion charismatique), je puis vous dire que le chant en langue esttrès harmonieux et qu'il ne faut pas, en raison de son inintelligibilité, le qualifier de régression infantile. Comment mieux qu'en langue, chanter la louange de Dieu de tout son être, de tout son cur ?
Le don de prophétie : En 1 Co14, saint Paul privilégie la prophétie qui est intelligible et qui permet l'édification d'autres personnes. En cela, elle est un signe pour les croyants. Elle est une simple mais efficace révélation, mais aussi, face à la tiédeur, une incitation à se réveiller, à bouger. La prophétie s'exprime par des paroles ou images.
C'est deux charismes étaient pour la communauté de Corinthe, comme les dons les plus visibles d'une inspiration. Mais saint Paul se trouve confronté à la question de la vérité de l'inspiration en la foi en Jésus Christ. Ces charismes, qui semblent courants à Corinthe, ne sont pas forcément le signe d'un chrétien vivant dans l'Esprit. C'est ce qu'essaie de montrer saint Paul dans les trois premiers chapitres de la première lettre aux Corinthiens (plus particulièrement en 1 Co 3,1-3)
Le don d'interprétation : C'est l'explication de la prophétie, si celle-ci n'est pas explicite, ou du parler en langue.
Le discernement des esprits : le charisme de discernement est la capacité de pénétrer le phénomène de l'inspiration et de discerner si celui qui parle est vraiment inspiré par l'Esprit ou non. Il ne faut pas le confondre avec l'art du discernement tel que nous le décrit saint Ignace qui fait également appel à une certaine logique, histoire humaine.
Parole de connaissance ou de sagesse : pour commenter ce charisme, nous ne ferons pas de référence au Nouveau Testament qui n'en explique presque rien, mais plutôt à l'expérience actuelle de certains charismatiques.
La parole de connaissance est une parole inspirée, très précise pour une personne du groupe qui écoute. La véracité de cette parole de connaissance doit être authentifiée par la personne à qui elle est destinée (exemples le père Tardiff). Cela peut-être aussi une petite phrase toute simple, nourrissante et transformante comme Marthe Robin les pratiquait.
La guérison : saint Fraçois Xavier prenait la bible et imposait les mains. Souvenons nous également du livre des actes (4,30-31) où la Pentecôte est décrite en ces termes : " Etends donc ta main pour que se reproduisent des guérisons, des signes et des prodiges par le nom de ton saint serviteur Jésus... .. Ils fuirent alors remplis du Saint-Esprit ".
Le charisme de foi : plutôt que de l'expliquer, lisons saint Jean 14,12 " En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les oeuvres que je fais, il en fera même de plus grandes car je vais au Père ". Avons nous ce charisme de foi pour y croire et passer à l'acte ?
La compassion : Elle est reprise dans notre tableau synoptique , mais elle ne se trouve pas exprimées dans les textes précités. LA compassion est un mouvement de l'âme qui nous rend sensibles aux maux et souffrances d'autrui et nous y fait participer de COEUR.
Le rédacteur de cet exposé a livré un émouvant témoignage personnel. Il évoque une séance d'adoration du Saint-Sacrement au cours de laquelle divers engagements étaient pris à haute voix par certains participants. Il se souvient avoir pleuré durant toute la prière qui a duré une heure ; ses pleurs redoublaient chaque fois qu'une personne exprimait une intention révélant une douleur personnelle ; Il s'associait alors de TOUT son être à la demande formulée. Cette expérience, non reproductible sur commande, fut pour lui parfaitement conscient et très bouleversante car depuis ce jour sa relation à Dieu s'est complètement transformée et l'a transformée.
Les charismes décrits ici sont d'ordre surnaturel ;
ils ajoutent à nos capacités naturelles une pertinence
incommensurable, incroyable. Cette " efficacité "
se mesure aux fruits produits, à l'impact sur le cur
et non simplement sur la raison des personnes concernées.
Enfin pou qu'un groupe charismatique soit équilibré
et ne tombe pas dans une illumination collective à la suite
d'un " gourou ", il est souvent demandé
que, dans le groupe, les trois ministères ou fonctions
cités en 1 Co 12,28 (apôtre, prophète, docteur)
soient présents. On fait souvent une métaphore où
le groupe ou communauté est représenté par
un bateau avec une vigie (le prophète), un capitaine (l'apôtre
ou berger en charge de la communauté) et le savant décryptant
les cartes (le docteur). C'est l'ensemble de ces trois acteurs
qui fait que le bateau va dans la bonne direction. Cette image
peut d'ailleurs aisément s'appliquer à tout groupe
chrétien.
Nous voici dans la dernière partie de notre exposé
qui traite d'une question délicate mais importante pour
le renouveau charismatique catholique : le Baptême
dans l'Esprit.
Tout d'abord rappelons qu'un groupe est qualifié de charismatique quand il réalise les caractéristiques suivantes :
Le baptême dans l'Esprit est une expérience radicale vécue, de l'ordre de la conversion. Aussi avant d'aller plus loin dans l'approche théologique, il est utile de dire d'emblée qu'il vaudrait mieux parler de l'effusion de l'Esprit afin de ne pas être ambigu, et signaler que l'approche théologique vient après l'expérience vécue.
L'effusion de l'Esprit Saint a trait au moment où la présence agissante de l'Esprit Saint est devenue SENSIBLE à la CONSCIENCE PERSONNELLE. Le sacrement du baptême est une véritable communication de l'Esprit. En effet, lorsqu'une personne est baptisée sacramentellement, notre foi nous donne l'assurance qu'elle est entrée dans un nouvel état de grâce. Nous n'avons pas besoin que l'expérience nous le confirme, et d'ailleurs nous n'attendons pas une telle confirmation. Par contre la demande de l'effusion de l'Esprit Saint dans une prière communautaire n'assure pas que l'effusion aura lieu, et même si quelqu'un ressent quelque chose de fort, il faut encore qu'il y ait changement dans sa vie au niveau de sa relation à Dieu et aux autres pour que cette effusion en soit véritablement une.
Une nouvelle effusion de l'Esprit Saint produit de façon caractéristique des effets qui rendent ceux qui le reçoivent conscients de l'action nouvelle de l'Esprit dans leur vie. A la différence des pentecôtistes, les catholiques ne conditionnent pas l'effusion de l'Esprit Saint au déclenchement systématique du parler en langue comme dans Ac19,6 où paul impose les mains aux éphésiens et l'Esprit vient sur eux : ils parlaient en langue et prophétisaient. Mais de par l'expérience des nombreux groupes charismatiques, la prise de conscience de la puissance de l'Esprit Saint peut se faire par le biais d'une conscience progressive et non être forcément l'objet d'une expérience immédiate.
Saint Thomas vient nous éclairer sur la possibilité d'une nouvelle effusion de l'Esprit ou d'un nouvel envoi de l'Esprit. Il précise d'abord que lorsque nous parlons de l'envoi d'une personne divine, nous ne pouvons pas nous la représenter comme un déplacement réel, où comme si elle se rendait présente là où elle n'était pas du tout auparavant. Il ne peut donc s'agir, pour la personne divine, que de devenir présente d'une nouvelle sorte de présence là où elle est déjà. Cette nouvelle sorte de présence ne peut pas entraîner un changement réel en Dieu ; elle doit donc être comprise comme un changement réel dans la créature à laquelle la personne divine devient présente. Créature qui doit commencer à connaître une nouvelle relation à Dieu, de sorte que Dieu soit VRAIMENT PRESENT d'une nouvelle manière dans sa créature.
D'une certaine manière, saint Ignace désirait lui aussi susciter ce genre d'expérience lors de ses retraites de trente jours. Il disait " Que notre créateur et seigneur se communique lui-même à l'âme qui se dévoue à lui et, l'embrassant, la dispose à son amour, louange et service come il sait que cela lui est le plus avantageux ".
En tout état de cause, il n'était pas possible de
parler des charismes sans parler de l'effusion de l'Esprit Saint.
Les charismes sont offerts par Dieu à tous les chrétiens ;
facultatifs, ils aident néanmoins grandement à l'édification
de la communauté chrétienne. Ils sont authentifiés
par le Nouveau Testament et sont aujourd'hui pratiqués
par un nombre important de catholique. Cette pratique doit toujours
être en accord avec l'Esprit d'Amour de Notre Dieu Trinitaire,
et vécue dans l'unité du Corps du Christ qu'est
l'Eglise afin de ne pas dévier dans des fausses voies.
Nous ne pouvons donc vous exhorter à mieux y prêter
attention et espérer qu'un jour, vbous puissiez vous aussi
les expérimenter, si cela n'est déjà fait,
car ils sont une aide efficace à une nouvelle évangélisation
pour notre époque et un des glaives de l'Esprit pour les
chevaliers d'aujourd'hui.