L'amour ne se commande pas, et ne saurait en conséquence
être un devoir. Sa présence dans un traité
des vertus devient dès lors problématique ?
peut-être. Mais, il faut dire aussi que vertu et devoir
sont deux choses différentes (le devoir est une contrainte,
la vertu, une liberté). nécessaires toutes les deux
certes, solidaires l'une de l'autre mais plutôt complémentaires,
voire symétriques. En effet, plus on est généreux,
par exemple, et moins la bienfaisance apparaît comme un
devoir, c'est à dire comme une contrainte. Ce que l'on
fait par contrainte, écrit Kant, on ne le fait pas par
amour (Pour Kant, le devoir est une contrainte en vue d'une fin
qui n'est pas voulue de bon gré). Si l'on admet (contre
Kant mais avec Aristote et tous les anciens) que la vertu suppose
au contraire qu'on agisse de bon gré, il en résulte
que le devoir et la vertu tendront à évoluer, en
toute volonté bonne, en proportion inverse : que par
exemple, celui qui ne donnera que par devoir, et donc, si l'on
peut dire, de bonne volonté mais de mauvais gré,
ne sera pas pour autant généreux, inversement pour
l'homme vraiment généreux, le don ou la bienfaisance
auront cessé d'être des contraintes et donc (puisqu'il
donne de bon gré) des devoirs.
L'amour ne se commande pas, puisque c'est l'amour qui commande.
Bien agir, c'est faire d'abord ce qui se fait (Politesse), puis
ce qui doit se faire (morale), enfin c'est faire ce que l'on veut,
pour peu qu'on aime (éthique). Aime et fais
ce que tu veux , c'est l'esprit des évangiles,
c'est une formule attribuée à Saint Augustin commentant
la 1ère épître de Jean au chapitre
VII verset 8. Cette formulation n'a bien sûr rien à
voir avec le laxisme mais c'est l'exigence de vie la plus libératrice
qui soit. Le christ nous libère de la Loi, non en l'abolissant,
comme la voulue Nietzche, mais en l'accomplissant (Evangile de
Matthieu au chapitre V verset 17 : Je ne suis
pas venu abolir mais accomplir )
L'amour est 1er, c'est l'alpha et l'oméga de
toute vertu. Qu'est-ce que l'amour ? Trois réponses
sont proposées. Elles pourront apparaître pour certains
comme une gradation dans l'amour. Celles-ci ne sont pas inventées
par l'auteur mais comprise au travers de la tradition.
Préambule :
S'agissant du discours ou de la pensée, l'amour de la vérité
doit l'emporter sur toute autre, y compris sur l'amour de l'amour,
sinon le discours n'est plus qu'éloquence, sophistique
ou idéologie.
EROS (définition prise de Platon dans le livre le Banquet)
Si tout désir n'est pas amour, tout amour,
du moins celui-là, Eros, est bien désir :
C'est le désir déterminé d'un certain objet
en tant qu'il manque particulièrement
Le discours d'Aristophane lors du banquet est celui-ci : Jadis, explique t'il, notre nature n'était pas ce qu'elle est à présent, elle était bien différente, la dualité génitale explique qu'il y eut alors non pas deux mais trois genres dans l'espèce humaine : les mâles qui avaient deux sexes d'homme, les femelles qui avaient deux sexes de femmes et les androgynes qui avaient comme leur nom l'indique l'un et l'autre sexe. Zeus pour les punir décide alors de tous les couper en deux. C'en était fini de la complétude, de l'unité du bonheur . Chacun depuis est contraint à chercher sa moitié. Cette recherche, ce désir, c'est ce que l'on appelle l'amour, l'amour fusionnel (ce mythe justifie par la même toutes les sexualités hétéro et homo). Cet amour est par définition total (on n'y aime que soi en retrouvant l'unité originelle que " j'étais "), absolu, exclusif (nous n'avons qu'une seule moitié), définitif (jusque la mort et plus).
Oui décidément, il n'y a rien ( ?) dans nos rêves d'amour les plus fous qui ne se retrouvent dans ce mythe et qui n'en soit justifié. Que valent nos rêves et que prouve un Mythe ?
Socrate va quant à lui nous dire la vérité
sur l'amour, , la vérité sur Eros, cette vérité
n'est pas de lui, il la tient d'une femme (Diotime) ; Pour
lui l'amour n'est pas complétude mais incomplétude,
non fusion mais quête, non perfection comblée mais
pauvreté dévorante. Ainsi pour Socrate l'amour est
désir et le désir est manque. Désirer une
femme n'importe laquelle c'est une chose (c'est un désir),
désirer cette femme en est une autre (c'est un amour).
Serait on amoureux pourtant, si l'on ne désirait pas d'une
manière ou d'une autre , celui ou celle que l'on aime ?
Si tout désir n'est pas amour, tout amour (du moins celui
d'Eros) est bien désir : C'est le désir déterminé
d'un certain objet, en tant qu'il manque particulièrement
. L'amour écrit Platon aime ce dont il manque
et qu'il ne possède pas . C'est un amour insatiable,
solitaire, toujours en peine de ce qu'il aime, toujours en manque
de son objet, c'est la passion, celle qui affole et déchire,
celle qui exalte et emprisonne. Par quoi cet amour-là est
égoïste.
PHILIA :
" Aimer c'est pouvoir jouir (amour physique) ou se réjouir
(amour spirituel) de quelque chose. Le plaisir n'est un amour
au sens le plus fort du terme que s'il réjouit l'âme,
et c'est le cas, spécialement dans les rapports personnels ".
Si le désir est manque, et dans la mesure où il
est manque, la vie nécessairement est manquée :
si l'on ne désire que ce qu'on n'a pas, on n'a jamais ce
que l'on désire, et l'on n'est pour cela jamais heureux
ni satisfait.
S'il est vrai que l'on ne peut espérer que ce qui manque, il y a un abîme entre écrire et espérer écrire : c'est l'abîme qui sépare le désir comme manque du désir comme puissance ou jouissance. La volonté pour les choses qui dépendent de nous, est ce désir en acte : comment manquerait elle son objet, puisqu'elle l'accomplit ?
Désirer ce qu'on fait , ce qu'on a ou ce qui est, cela s'appelle vouloir ; cela s'appelle agir. Qu'il y ait dans le désir une tension et qu'elle appelle sa détente, soit. Mais c'est la tension d'une force plutôt que d'un manque.
Exemple : Un père aime son fils qui ne lui manque
pas. Il est passé par l'éros paternel (désir
d'un enfant qu'il n'avait pas encore, il l'a imaginé..)
Quand l'enfant nait, va t'il parce qu'il ne manque plus ne plus
l'aimer ? Le père va passer de l'enfant rêvé
à l'amour de l'enfant réel. Il n'y a pas d'amour
(du réel) sans une part de deuil (de l'imaginaire) mais
souvent ces deux amours (enfant rêvé, enfant réel)
se mêlent sans se fondre tout à fait.
Tout désir pour Spinoza est puissance d'agir ou force d'exister. Réduire le désir au manque, c'est prendre l'effet pour la cause, le résultat pour la condition. Comme il y a des désirs pour différents objets. Ce qu'il y a de commun à ces différents amours, c'est le plaisir ou la joie que ces objets nous procurent ou nous inspirent.
Aimer c'est pouvoir jouir (amour physique) ou se réjouir (amour spirituel) de quelque chose. Le plaisir n'est un amour au sens le plus fort du terme que s'il réjouit l'âme, et c'est le cas, spécialement dans les rapports personnels . Se réjouir de l'autre, c'est ne rien demander du tout (il ne me manque pas) c'est célébrer une présence, une existence, une grâce ! C'est remercier. Ce n'est pas ce qui me manque que j'aime ; c'est ce que j'aime parfois qui me manque. L'amour est 1er. A considérer l'amour pour ce qu'il est, il n'y a pas d'amour malheureux. Il n'y a pas davantage de bonheur sans amour. On remarquera que si l'amour est une joie qu'accompagne l'idée de sa cause extérieure (Spinoza), si donc tout amour , dans son essence est joyeuse, la réciproque est vraie aussi : Toute joie a une cause, toute joie est donc aimante, au moins virtuellement (une joie sans amour est une joie qu'on ne comprend pas : c'est une joie ignorante obscure, tronquée) et c'est en effet quand elle est pleinement consciente d'elle même et, donc, de sa cause.
L'amour est ainsi comme la transparence de la joie, comme sa lumière, comme sa vérité connue et reconnue. Mais qu'est-ce qu'une joie ? Le passage à une perfection ou à une réalité supérieure. Se réjouir c'est exister d'avantage, c'est sentir augmenter sa puissance, c'est persévérer triomphalement dans l'être. En français nous n'avons qu'amour pour qualifier aimer un être, en grec, il y a le substantif Philia. L'amitié ? Oui mais au sens le plus large du terme, qui est aussi le plus fort est le plus élevé. Disons le Philia, c'est l'amour quand il s'épanouit entre humain et qu'elles qu'en soient les formes, dès lors qu'il ne se réduit pas au manque ou à la passion (à l'éros). St Thomas ne suivra pas Aristote sur la non amitié pour un dieu, en effet pour St Thomas, (somme théologique question 23 art 1 Tome 3 ed du cerf), la charité est une amitié de l'homme pour Dieu. Aristote voit bien que l'amour Philia entre mari et femme est une des formes de l'amitié sans doute la plus importante (puisque l'homme est un être naturellement enclin à former un couple, plus même qu'à former une société politique) et qu'elle inclut évidemment la dimension sexuelle. De même St Thomas y voit l'amitié la plus intime. Etre amoureux, c'est manquer presque toujours, c'est vouloir posséder, c'est souffrir si l'on n'est pas aimé, c'est craindre de ne l'être plus, c'est n'attendre de bonheur que de l'amour de l'autre, que de la présence de l'autre, que de la possession de l'autre.
Mais aimer durablement, c'est réussir à transformer
ce désir de manque en désir de puissance, ce désir
de ne faire qu'un en un désir de faire une belle harmonique
à deux. Etre amoureux est à la portée de
tous, aimer l'est moins.
La vérité est qu'il n'y a pas à choisir entre passion et amitié, puisqu'on peut vivre les deux, l'expérience le prouve puisque la passion n'oblige pas à oublier ses amis et puisqu'elle n'a elle même d'avenir que dans la mort, la souffrance ou l'amitié. Etre amoureux est un état ; aimer est un acte or un acte dépend de nous, au moins pour une part, on peut le vouloir, s'y engager, le prolonger, l'entretenir, l'assumer .... Mais un état ? Promettre de rester amoureux, c'est se contre dire dans les termes. Le meilleur ami, la meilleure amie , c'est celui ou celle que l'on aime le plus, mais sans en manquer, sans en souffrir, sans en pâtir (d'où vient passion), c'est celui ou celle que l'on a choisi(e), celui ou celle que l'on connaît le mieux qui nous connaît le mieux sur qui on peut compter avec qui on partage souvenir et projets, espoirs et craintes, bonheurs et malheurs. Mieux vaut un peu d'amour vrai que beaucoup d'amour rêvé. Mieux vaut un peu de bonheur réel qu'une illusion heureuse. Au nom de quoi ? Au nom de la bonne foi (comme amour de la vérité) et au nom de la vie est du bonheur. Passion veut dire souffrance, chose subie, prépondérance du destin sur la personne libre et responsable. Le couple quand il est heureux est au contraire un espace de vérité, de vie partagée, de confiance, d'intimité paisible et douce, de joies réciproques, de gratitudes, de fidélité, de générosité, d'humour, d'amour... Que de vertus pour faire un couple ! Sans compter que le corps y trouve aussi son content de plaisirs. Puisque la famille est l'avenir du couple, presque toujours, l'avenir de l'amour donc, et son commencement.
La grâce d'être aimé précède la grâce d'aimer, et la prépare. Cette préparation est la famille. La loi d'airain de la famille et la règle d'or de l'amour : " Tu quitteras ton père et ta mère " (Evangile de Matthieu chapitre 19 verset 5). On ne fait pas des enfants pour les posséder, les garder : on les faits pour qu'ils partent, pour qu'ils aiment ailleurs et autrement. Les scolastiques distinguaient l'amour de concupiscence ou de convoitise de l'amour de bienveillance ou comme dit St Thomas d'Aquin, d'amitié. Sans que cela recouvre exactement l'opposition Eros/Philia.
Aimer c'est vouloir du bien à quelqu'un ; exercé sans correspondance de la part de la chose aimée, il s'appelle amour de simple bienveillance ; quand il est avec mutuelle correspondance, il s'appelle amour d'amitié. La mutuelle correspondance consiste en trois points : il faut que les amis s'entraident, sachent qu'ils s'entraident, et qu'ils aient communication, privauté et familiarité ensemble.
Eros et Philia se mêlent presque toujours et c'est ce qu'on
appelle un couple ou une histoire d'amour. Simplement Eros s'use
au fur et à mesure qu'il est satisfait, quand Philia au
contraire ne cesse de se renforcer, de s'approfondir, de s'épanouir.
C'est la logique de la vie. Pour les couples heureux, c'est passer
de l'amour charnel, comme dit St Bernard, à l'amour spirituel,
de l'amour de soi à l'amour de l'autre, de l'amour qui
prend à l'amour qui donne, du manque à la joie,
de la violence à la douceur ,d'Eros à Philia. St
Bernard de Claivaux avait bien vu que l'amour charnel était
premier (traité de l'amour de Dieu Chapitre VII) Puis,
il faudra s'élever au 2nd degré de l'amour :
Aimer Dieu pour l'amour de soi puis, au 3ème :
Aimer Dieu pour lui même enfin au 4ème :
Ne plus s'aimer soi que pour Dieu (Chapitre 9 et 10 du traité).
AGAPE :
" L'Agapé est indépendante de la valeur
de son objet. L'Agapé est un amour créateur. L'amour
divin ne s'adresse pas à ce qui est déjà
en soi digne d'amour ; au contraire, il prend pour objet
ce qui n'a aucune valeur en soi, et lui en donne une "
" Vous avez entendu qu'il a été dit : " Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi " Eh bien moi je vous dis aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour vos persécuteurs " (Evangile de St Matthieu Chapitre 5 verset 43 à 44).
Aimer ses ennemis ? Comment en serions-nous capables ? Comment pourrions nous l'accepter ? Scandale pour les juifs dira St Paul (1ère Epître aux corinthiens chapitre 1 verset 23) folie pour les grecs. En effet, cela excède la loi autant que le bons sens, cet amour sublime mérite un nom. Ce nom en français est charité. Mais le mot est tellement dévoyé ! En grec des écritures, cet amour universel et désintéressé s'appelle agapè " Evangile de Jean chapitre 4 versets 8 et 16) " Dieu est Amour " (O Théos agapè estin) que le latin de la Vulgate traduit par caritas.
Simone Weil dans son livre la pesanteur et la grâce nous indique que les religions qui représentent la divinité comme commandant partout où elle en a le pouvoir sont fausses, même si elles sont monothéistes, elles sont idolâtres !
" Dieu a créé par amour, pour l'amour.
Dieu n'a pas créé autre chose que l'amour même
et les moyens de l'amour, mais cet amour n'est pas un plus d'être
de joie ou de puissance. C'est tout le contraire : C'est
une diminution, une faiblesse. Dieu n'occupe pas tout l'espace
disponible. Par amour il s'efface afin que les plus faibles, les
plus démunis, les plus fragiles puissent exister et ne
pas être écrasés de la présence toute
puissante ".
Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse
sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force.
Cet amour ne manque de rien, mais il n'est pas pour autant plein de soi ou de force (l'amour ne manque de rien, car il a renoncé à tout). Cet amour donne (ce qu'était déjà Philia) mais qui donne en pure perte et non à son ami (donner à un ami ce n'est pas perdre : c'est posséder autrement, c'est jouir autrement).
L'amour que Dieu a pour nous, selon le christianisme, est parfaitement désintéressé, parfaitement gratuit et libre ! Dieu n'a rien à gagner, puisqu'il ne manque de rien, ni n'en existe davantage, puisqu'il est infini et parfait, mais au contraire se sacrifie pour nous, se limite pour nous, se crucifie pour nous et sans raison autre qu'un amour sans raison, sans autre raison que l'amour, sans autre raison que lui même renonçant à être tout. Dieu en effet ne nous aime pas en fonction de ce que nous sommes, qui justifierait cet amour, parce que nous serions aimables, bons justes (Dieu aime aussi les pêcheurs, et même c'est pour eux qu'il a donné son fils) Mais parce qu'il est amour et que l'amour, en tout cas cet amour là, n'a pas besoin de justification. L'Agapé est indépendante de la valeur de son objet. L'Agapé est un amour créateur. L'amour divin ne s'adresse pas à ce qui est déjà en soi digne d'amour ; au contraire, il prend pour objet ce qui n'a aucune valeur en soi, et lui en donne une. St Augustin, St Bernard ou St Thomas ont su montrer comment on passe de l'amour de soi à l'amour de l'autre, puis de l'amour intéressé à l'amour désintéressé, de la concupiscence à la bienveillance puis à la charité.
L'un des plus beau texte sur l'amour est celui de St Paul 1Co XIII appelé l'hymne à la charité. (fin de cette page)
Aimer son prochain comme soi même est ce possible ? Ce n'est pas facile, mais cela indique une direction qui est celle de l'amour. Or si cette direction, dans l'amitié est celle de la vie, de la joie de la puissance, elle semble ici dans la charité, s'inverser comme si le vivant devait renoncer à soi pour laisser exister l'autre. C'est le thème bien connu de la mort à soi même chez les mystiques ou de la décréation chez Simone Weil.
La charité ne peut se réduire à l'amitié, qui suppose toujours un choix, une préférence, une relation privilégiée, quand la charité se veut au contraire universelle. On ne peut être l'ami de ses ennemis (s'il continue à l'être) , il faut donc aimer autrement. La charité c'est l'amour transfiguré en vertu comme dit Jankélévitch ou c'est l'amour devenu permanent et chronique, étendu à l'universalité des hommes et à la totalité de la personne.
Foi Espérance et Charité sont ce qu'on appelle traditionnellement
les trois vertus théologales. Deux d'entre elles la foi
et l'espérance sont absentes de ce traité car elles
n'ont d'autres objet possible que Dieu. De plus dans le Royaume,
la Foi passera (comment croire en Dieu quand on est en Dieu),
l'Espérance passera également (Dans le Royaume il
n'y a plus rien à espérer). C'est pourquoi St Paul
nous dit que la charité seule ne passera pas.
La charité se reconnaîtrait à ceci (Par quoi
elle dépasserait la compassion) qu'elle n'a pas besoin
de la souffrance de l'autre pour l'aimer, qu'elle n'est pas à
la remorque du malheur, qu'elle est comme une compassion 1ère
et non réactive, de même qu'elle se distinguerait
de la simple amitié, et la dépasserait, en ceci
qu'elle n'a pas besoin d'être aimée pour aimer, ni
de pouvoir l'être, qu'elle n'a que faire de la réciprocité
ou d'intérêt, qu'elle est comme une amitié
1ère et non réactive : ce serait
comme une compassion libérée de la souffrance et
comme une amitié libérée de l'ego.
La meilleure est la plus courte définition de la vertu
disait St Augustin, est celle-ci : " L'ordre de
l'amour " mais les vertus ne se justifient presque toutes
que par ce manque en nous de l'amour, et se justifient donc. Cela
même qui les rend nécessaires interdit de les croire
suffisantes.
N.B : Ce passage est essentiellement un " résumé "
juxtaposant des parties du livre suivant : Petit traité
des grandes vertus d'André Comte Sponville (Ed PUF).
Celui-ci est un philosophe pouvant être définit comme
un athée fidèle à des valeurs chrétiennes.
Dans notre contexte, ce " résumé "
déforme en partie la pensée de l'auteur en occultant
certains points.
Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges,
s'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance,
quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes,
s'il me manque l'amour je ne suis rien.
Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés,
quand je livrerais mon corps aux flammes,
s'il me manque l'amour, je n'y gagne rien.
L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil , il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité.
Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure
tout. L'amour ne disparaît jamais.
Les prophéties ? Elles seront abolies. Les langues ? Elles prendront fin. La connaissance elle sera abolie. Car notre connaissance est limitée et limitée notre prophétie.
Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité sera aboli. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Devenu homme, j'ai mis fin à ce qui était propre à l'enfant. A présent nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face. A présent ma connaissance est limitée, alors je connaîtrai comme je suis connu.
Maintenant donc ces trois là demeurent , la Foi, l'Espérance
et l'Amour, mais l'Amour est le plus grand